
Psychologue du travail spĂ©cialisĂ©e en TCC et accompagnement interculturel, ancienne expatriĂ©e issue d’un foyer binational, j’observe quotidiennement combien le retour au pays peut parfois ĂŞtre plus dĂ©stabilisant que le dĂ©part initial. Cet article vous Ă©claire sur ce phĂ©nomène et vous propose des clĂ©s concrètes pour mieux le vivre.
Le retour d’expatriation : un dĂ©fi largement sous-estimĂ©
Beaucoup d’expatriĂ©s imaginent que revenir dans leur pays d’origine sera simple. Cette croyance est pourtant l’une des plus grandes erreurs de perception liĂ©es Ă la mobilitĂ© internationale. En rĂ©alitĂ©, le retour Ă la maison peut s’avĂ©rer l’une des transitions les plus complexes Ă vivre.
Contrairement aux idĂ©es reçues, le retour demande Ă©galement une adaptation – particulièrement lorsque cette transition n’est pas choisie ou peu anticipĂ©e.
Qu’est-ce que le choc culturel inversĂ© ?
Le choc culturel inversĂ© se dĂ©finit comme cette sensation Ă©trange de ne plus se sentir Ă sa place dans son environnement d’origine. Ce phĂ©nomène s’explique par plusieurs mĂ©canismes psychologiques prĂ©cis.

L’Ă©volution des repères personnels et environnementaux
Inconsciemment, nous imaginons que nos proches ont conservĂ© les mĂŞmes routines et relations pendant notre absence. Au retour, nous dĂ©couvrons que malgrĂ© les apparences, tout a Ă©voluĂ© : nos proches ont vieilli, leurs valeurs ont parfois changĂ©, certaines relations se sont resserrĂ©es tandis que d’autres se sont Ă©loignĂ©es. Nous devons alors retrouver notre place dans ces nouveaux Ă©quilibres relationnels.
L’environnement physique lui-mĂŞme se transforme. Certains quartiers sont devenus mĂ©connaissables, le petit cafĂ© familier a fermĂ©, le commerçant du coin a pris sa retraite, ou notre ville s’est agrandie. Ces changements crĂ©ent un dĂ©calage troublant entre nos souvenirs et la rĂ©alitĂ© prĂ©sente.
L’hyperfocus sur les aspects nĂ©gatifs du pays d’origine
Souvent, notre dĂ©part vers l’Ă©tranger Ă©tait motivĂ© par une critique des dĂ©fauts de notre pays d’origine. Ă€ l’Ă©tranger, nous apprĂ©cions l’absence de ces Ă©lĂ©ments nĂ©gatifs. Au retour, nous nous retrouvons dans une forme d’hyperfixation sur ces aspects qui avaient motivĂ© notre dĂ©part initial.
Pour certains expatriĂ©s, ces irritants Ă©taient totalement absents de leur expĂ©rience Ă l’Ă©tranger. Cette confrontation soudaine peut s’apparenter Ă un rĂ©veil brutal après une parenthèse idĂ©alisĂ©e. Le retour marque alors la rupture avec une pĂ©riode perçue comme plus sereine et Ă©panouissante.
La perte des automatismes sociaux
Comme le souligne l’Ă©tude 2024 d’Expat Communication, l’expatriation constitue « l’expĂ©rience la plus aboutie de la rencontre avec l’autre, et une remise en question de son modèle. Le rapport aux autres est de loin le domaine oĂą l’on apprend le plus lorsque l’on vit Ă l’Ă©tranger (71%) ».
Notre cerveau privilĂ©giant les habitudes pour Ă©conomiser son Ă©nergie cognitive, nous dĂ©veloppons progressivement de nouveaux automatismes Ă l’Ă©tranger. Ce processus d’adaptation nous conduit inĂ©vitablement à « mettre de cĂ´tĂ© » certains codes sociaux de notre pays d’origine.
Nos nouvelles façons d’ĂŞtre, devenues naturelles ailleurs, peuvent ĂŞtre perçues comme inappropriĂ©es par notre entourage au retour. Cette dĂ©synchronisation sociale gĂ©nère cette sensation amère de se sentir « Ă cĂ´tĂ© de la plaque ».
Les pertes invisibles du retour d’expatriation
Derrière l’euphorie des retrouvailles, de nombreuses pertes passent inaperçues mais impactent profondĂ©ment le bien-ĂŞtre psychologique.

Perte de statut social
Ă€ l’Ă©tranger, le statut d’expatriĂ© confère certains avantages : on nous excuse parfois de ne pas totalement comprendre une situation, on admire notre accent, de petites choses nous rendent intĂ©ressants et nous donnent un avantage social. Une fois la frontière repassĂ©e, nous perdons ce statut de « fruit exotique » pour redevenir un citoyen lambda.
Rupture avec le mode de vie adopté ailleurs
Partir Ă l’Ă©tranger permet de questionner et choisir certaines habitudes que nous n’avions pas dĂ©veloppĂ©es dans notre pays d’origine. Le retour pose la question cruciale de la conservation de ces nouvelles façons de vivre.
Il peut ĂŞtre dĂ©moralisant de constater que notre style de vie ne pourra pas ĂŞtre reproduit aussi facilement : mĹ“urs diffĂ©rentes, coĂ»t de la vie parfois restrictif, ou environnement qui ne s’y prĂŞte pas.
Éloignement des relations construites Ă l’Ă©tranger
Nous voilĂ Ă des centaines, voire des milliers de kilomètres de notre « seconde famille ». S’entame alors une recherche d’Ă©quilibre complexe dans le maintien de ces relations. Certaines ne survivront pas Ă l’Ă©loignement gĂ©ographique, gĂ©nĂ©rant parfois un syndrome FOMO (Fear of Missing Out) intense.
Impact sur la carrière professionnelle
Le retour s’accompagne souvent d’une recherche d’emploi plus difficile, d’une perte de confiance en soi, et d’un questionnement sur l’identitĂ© professionnelle construite Ă l’Ă©tranger.


Questionnements identitaires profonds
Notre sentiment d’identitĂ© se nourrit de nos appartenances sociales : cercles professionnels, amicaux, familiaux, ou communautĂ©s d’activitĂ©s. Se retrouver privĂ© des repères relationnels et des rĂ´les sociaux construits Ă l’Ă©tranger dĂ©clenche naturellement un profond questionnement identitaire. Ces remises en question, bien que dĂ©stabilisantes, constituent une Ă©tape normale du processus de rĂ©insertion.
L’expatriation entraĂ®ne une transformation profonde de nos valeurs, notre vision du monde et nos façons de vivre. Au retour, il faut rĂ©concilier :
- La personne que nous étions avant le départ
- Celle que nous sommes devenues entre-temps
- Le regard des autres, qui n’a pas Ă©voluĂ© au mĂŞme rythme que nous
RĂ©sultat : un sentiment d’ĂŞtre « entre plusieurs mondes » et une grande difficultĂ© Ă (re)trouver sa place.
Les signaux d’alerte psychologique Ă surveiller
Face à ces nombreux changements et deuils, il est normal de ressentir des impacts sur la santé mentale. Certains signaux nécessitent une vigilance particulière :

- Sentiment de solitude
- Tristesse persistante et sentiment de vide
- Insomnies et ruminations excessives
- Sentiment d’imposture dans son environnement d’origine
- Deuil et nostalgie intense pour la vie Ă l’Ă©tranger
- Irritabilité croissante
- Tendance Ă l’isolement
- État dépressif
Selon des chercheurs, le choc culturel inversĂ© s’avère plus difficile Ă surmonter que le choc culturel traditionnel, car les individus se sentent perdus dans leur propre pays d’origine (Berdan et al., 2013). Cette difficultĂ© s’explique en partie par l’ampleur de la confrontation qu’impose le retour : idĂ©alisation/rĂ©alitĂ©, libertĂ©/restriction, changement/statisme, confort/inconfort (Michelini, 2019).
Il est tout Ă fait normal d’avoir une rĂ©action proportionnĂ©e au choc du retour. N’hĂ©sitez pas Ă chercher de l’aide si ces symptĂ´mes persistent ou s’intensifient.
Les chiffres révélateurs du phénomène
Une enquĂŞte rĂ©cente menĂ©e auprès d’expatriĂ©s rĂ©vèle des donnĂ©es particulièrement Ă©clairantes sur l’impact psychologique du retour. Alors que le niveau de moral du panel se stabilise Ă 71% en avril 2024, il chute dramatiquement Ă 64% pour les expatriĂ©s de retour ou en transit – soit une baisse de 7 points qui illustre parfaitement la rĂ©alitĂ© du choc culturel inversĂ©.
Plus prĂ©occupant encore : lorsqu’on conjugue retour et recherche active d’emploi, le niveau de moral s’effondre Ă 46%, soit une baisse de 25 points par rapport Ă la moyenne gĂ©nĂ©rale des expatriĂ©s.
Ce double choc – identitaire et professionnel – rend la réinsertion particulièrement délicate et justifie pleinement un accompagnement spécialisé.
Mon approche thérapeutique pour accompagner le retour
En tant que psychologue du travail spĂ©cialisĂ©e en TCC et ayant moi-mĂŞme vĂ©cu l’expatriation, j’accompagne mes patients Ă travers les diffĂ©rents questionnements et deuils qu’amène le retour d’expatriation. Mon approche intĂ©grative comprend :

Le travail narratif :
Nous redonnons du sens Ă votre parcours en explorant les liens entre passĂ©, prĂ©sent et futur. Cette approche permet de rĂ©intĂ©grer votre expĂ©rience internationale comme une richesse plutĂ´t qu’une rupture.
Techniques de régulation émotionnelle :
Ces outils vous aident Ă rĂ©duire l’anxiĂ©tĂ© liĂ©e Ă la transition et Ă vous reconnecter progressivement avec votre environnement d’origine, notamment par des techniques de respiration et de rĂ©gulation du stress.
Restructuration cognitive (TCC) :
Nous travaillons ensemble à transformer les pensées dévalorisantes en pensées constructives, en questionnant les distorsions cognitives liées au retour.
Rituels de transition personnalisés :
Ces rituels symbolisent le passage d’une Ă©tape Ă l’autre et vous aident Ă nourrir et valoriser vos diffĂ©rentes identitĂ©s. Il n’est pas toujours question de laisser tomber des parts de soi, mais plutĂ´t de retrouver des espaces pour les honorer et les intĂ©grer.
Retrouver un ancrage et avancer sereinement :
Le retour n’est ni un Ă©chec ni une fin dĂ©finitive, mais une nouvelle Ă©tape de vie. En l’acceptant et en valorisant ce que l’expĂ©rience internationale a apportĂ©, il est possible de trouver un nouvel Ă©quilibre et de s’Ă©panouir Ă nouveau « autrement ».
L’objectif thĂ©rapeutique n’est pas d’effacer l’expĂ©rience vĂ©cue Ă l’Ă©tranger, mais de l’intĂ©grer harmonieusement dans votre nouvelle rĂ©alitĂ©, en crĂ©ant des ponts entre vos diffĂ©rentes identitĂ©s culturelles.
Vous vivez un retour d’expatriation difficile ?
Je vous propose un accompagnement psychologique pour traverser cette période de transition avec plus de sérénité et de confiance.
đź“§ Contact : isabelleb.psychologue@gmail.com
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Sources et références
- Berdan, S., Goodman, A., & Taylor, A. (2013). A student guide to study abroad. Institute of International Education.
- Dettweiler, U., ĂśnlĂĽ, A., Lauterbach, G., Becker, C., & Gschrey, B. (2015). Investigating the motivational behavior of pupils during outdoor science teaching within self-determination theory. Frontiers in Psychology, 6, 125.
- Michelini, E. (2019). Reverse culture shock: The challenge of coming home. Journal of International Education and Leadership, 9(1), 35-48.
- Expat Communication (2024). Qu’apprend-on en expatriation ? Étude sur l’apprentissage interculturel des expatriĂ©s. Disponible sur : https://www.expatcommunication.com/quapprend-on-en-expatriation/